Le Kalimba est une version moderne du piano à pouce africain. Ce mystérieux petit instrument, né en Afrique Subsaharienne, a traversé les siècles, les générations et les continents. Découvrez l'origine du kalimba et son histoire, de ses débuts jusqu'à nos jours, afin que cet instrument de musique entre vos mains n'ait plus de secrets pour vous !
La création du piano à pouces
Le kalimba, au fil de son histoire, a vu s'être attribué moult termes pour le désigner. Ainsi, celui-ci fut appelé Mbira, Libemke, ou bien encore Marimba. Tous ces instruments sont de la famille du piano à pouces, instrument lamellophone. Sur le continent africain, son histoire est extrêmement riche et diverse.
En effet, les premiers pianos à pouces ont vu le jour il y a de ça 3000 ans en Afrique de l'Ouest, aux alentours de l'actuel Cameroun. Ceux-ci étaient fabriqués à partir de matériaux végétaux comme le bambou. Puis, il y a environ 1300 ans, quand l'Âge Du Fer toucha la vallée du Zambèze (localisé dans le sud-est du continent), quelqu'un a eu la formidable idée de fabriquer les pianos à pouce avec des lames de métal.
Durant la période de l' Âge Du Fer, les Africains étaient très expérimentés dans l'art de la fonte et du façonnage du fer. Selon certaines hypothèses, les pianos à pouces en métal ont été fabriqués dans la vallée du Zambèze très rapidement après que les habitants de la région aient commencé à manier ce métal.
Pendant le règne des puissances européennes colonisatrices sur le terrain africain, les Africains ont été empêchés de fabriquer leur propre métal. Ils ont dû trouver des alternatives et ont résulté de lames faites avec des clous, des rayons de vélo et d'autres ferrailles peu nobles.
On peut encore retrouver aujourd'hui dans de petits commerces régionaux des pianos à pouces traditionnels avec des lames composées de matière végétale mêlée de métal. Ces pianos à pouce, fabriqués pour la plupart en bambou, ne sont pas très résistants et sont très peu présents sur le marché de consommation.
Le premier Européen à avoir vu la mbira est l'explorateur portuguais Dos Santos, qui voyogea dans l'actuel Mozambique en 1586. Il partagea sa trouvaille d'un instrument de "9 lames en peau de fer" qu'il a nommé "ambira". Les joueurs devaient avoir des ongles suffisamment longs aux pouces pour jouer, et l'instrument produisait une "douce et pure harmonie de sons concordants". Ces instruments étaient peu bruyants, on en jouait alors le plus souvent au sein du palais du roi.
L'évolution du piano à pouce en Afrique
Lorsque le piano à pouce s'est diffusé en Afrique, les clans et tribus ont créé chacun leur propre version. Au fil du temps, chaque groupe a apporté des modifications à la conception de l'instrument, comme le nombre de lames ou le type de planche pour créer le piano à pouce, plus particulièrement le mbira. Les mbiras ont en effet été accordés de manière spécifique par chaque tribu afin de retranscrire leurs mélodies uniques. Le kalimba/mbira est un véritable instrument flexible et modelable, ce qui en explique toute sa richesse.
L'instrument a vraiment commencé à se faire connaître lorsque des esclaves congolais ont été déplacés en Afrique et utilisés comme porteurs par les colonisateurs belges à la fin des années 1800 et au début des années 1900. Les esclaves avaient leurs propres kalimbas et les présentaient à de nombreux nouveaux groupes d'Africains qui ne les avaient jamais vus. Les Bushmen du désert du Kalahari, isolés et nomades, n'ont été exposés au kalimba que dans les années 1950.
Hugh Tracey : L'avènement du kalimba moderne
Hugh Tracey était un ethnomusicologue anglais qui a beaucoup voyagé dans l'Afrique rurale dans la première moitié du 20e siècle. C'est grâce à l'œuvre de cet homme que les kalimbas sont aujourd'hui connus et aimés par tant de personnes dans le monde.
La découverte du Kalimba par Hugh Tracey
Hugh Tracey est né en 1903 au sein d'une grande et notable famille anglaise. Son père est mort à l'âge de cinq ans environ. Sans les revenus de son père, qui avait été médecin, la famille ne pouvait pas se permettre d'envoyer Hugh à l'université comme ses frères et sœurs aînés, et il fut envoyé en Afrique pour travailler dans la ferme de tabac de son frère aîné en Rhodésie en 1920.
Lorsqu'il est arrivé là-bas, il a trouvé une parenté spirituelle immédiate avec les chansons qu'il a entendues être chantées par les ouvriers agricoles noirs africains. Il a commencé à apprendre ces chants et son intérêt s'est rapidement étendu à d'autres musiques et instruments de musique africains. Assez tôt, Hugh Tracey a été initié à la mbira. La mbira a été un instrument vraiment magique pour Hugh, et sa vie a ensuite été profondément influencée par le fait de l'avoir entendue jouée.
Faire perdurer la tradition
La mbira a fait l'objet d'une attention particulière de la part de Tracey dans son travail d'enregistrement de musique et de collection d'instruments à travers l'Afrique. Et il était stupéfait par le fait qu'aucun des blancs qu'il rencontrait en Rhodésie du Sud ne semblait même remarquer cet instrument étonnant et la musique qu'il produisait.
Cela a déclenché ce qui allait devenir la mission de la vie de Hugh Tracey : voyager en Afrique et documenter la musique africaine et les instruments utilisés pour la produire. Cet effort de captation et d'enregistrement de la culture musicale traditionnelle était une course contre la montre, car la musique religieuse et chorale occidentale apportée par les missionnaires, et plus tard l'influence de la musique occidentale entendue à la radio, allaient éroder et remplacer les gammes et les mélodies africaines traditionnelles.
La commercialisation du kalimba
Les pianos à pouces avaient une multitude de formes, d'accords, de styles de jeu et de noms, selon l'endroit où ils se trouvaient en Afrique. Tracey a commencé à fabriquer ces instruments et a décidé d'utiliser le nom "kalimba", qu'il pensait que les Occidentaux seraient capables de dire et de se souvenir.
Hugh Tracey a passé beaucoup de temps à expérimenter avec différentes sortes de bois, différents matériaux pour les lames, différentes méthodes de fixation des lames et différentes gammes de notes. Certains de ses premiers kalimbas d'essai avaient une boîte en métal, au lieu du bois traditionnel. Au cours de ses expérimentations, il a fabriqué plus de 100 prototypes d'instruments.
Le succès universel du kalimba
À la fin des années 1950, il a créé une société appelée AMI, ou African Musical Instruments. AMI a commencé à expédier à l'étranger des kalimbas accordés selon la gamme occidentale "do-re-mi...". Le kalimba Hugh Tracey a été commercialisé pour la première fois en Amérique par la société de jouets Creative Playthings de Princeton, NJ, au début des années 1960.
"Kalimba" était la marque déposée de son instrument diatonique. Le mot "Kalimba", d'origine bantoue se traduit par "petite musique". Il était bien adapté à la musique occidentale et permettait à l'interprète de jouer des sons harmonieux avec ses deux pouces.
Le monde a été exposé pour la première fois à la magie de la musique kalimba lorsque les fils de Hugh Tracey, Paul et Andrew, ont fait une tournée avec la revue musicale à succès Wait a Minim ! et y ont joué de la kalimba entre 1962 et 1968. Hugh Tracey lui-même a également fait le tour du monde, donnant des conférences sur la musique africaine et le kalimba. En 1973, le groupe américain Earth, Wind and Fire a remporté un succès avec la chanson Kalimba Story, et la popularité du kalimba s'est accrue.
Le kalimba de nos jours
Depuis les années 1970, des centaines de fabricants de kalimbas ont vu le jour, certains créant des modèles d'instruments qui poussent les capacités et les couleurs tonales de l'instrument. La diversité des conceptions nous donne des instruments simples à 5 notes et des instruments complexes à plus de 100 notes. Comme chaque lame de kalimba peut être accordée indépendamment, il existe un nombre pratiquement infini d'accords possibles.
Un instrument culturel
Outre la grande diversité conceptuelle du kalimba depuis son origine, chaque groupe de personnes a utilisé celui-ci à sa propre façon dans sa vie sociale.
Dans certaines cultures africaines, le mbira (l'ancêtre du kalimba) est un instrument personnel, à emporter pour se divertir en gardant le bétail ou en attendant le bus. Dans d'autres lieux, c'est un instrument de célébration pour les mariages, ou un instrument joué auprès des rois.
Il est essentiellement utilisé comme instrument d'accompagnement à la voix. Dans certains peuples, c'est un intermédiaire pour convoquer les esprits ancestraux, afin d'écouter leurs précieux conseils.